C'était à l'automne 1989, je venais d’avoir 19 ans, l’été s’achèvait et j’avais depuis quelques mois un désir de plus en plus intense de partir à l’aventure. Vivre ma propre version du célèbre bouquin 'On the Road' de Jack Kérouac que je venais de terminé et qui avait marqué mon imaginaire. Auteur qui a d'ailleurs des racines québécoises et qui doit encore faire rêver tous les aventuriers et les jeunes auteurs d’ici.
À ce moment, je vivais toujours avec ma mère à Toronto, où je terminais l’équivalent du Cégep que j'avais abandonné un an plus tôt, en pleine quatrième session après une première grande chute dans le monde du Rock.
Nous y reviendrons.
J'essayais de me reprendre si on veut. Enfin, c'était la condition pour réintégrer le nid familial. Mon but était clair : ramasser des sous pour partir à l'aventure. Je m'étais trouvé un poste dans une grande tour de la ville reine en télémarketing. Quand j'y repense, je me dis que c'est probablement le début de ma dualité entre ces deux grandes langues qui s’aiment et se détestent autant qu’un jeune frère et sa sœur.
L’été s’essouflait. Les rêves et les déceptions s'entremêlaient en moi. J'étais toujours en attente de réponses de la vie. Une quête qu'avait initié le décès tragique et prématuré de mon père quelques années plus tôt. C'était probablement l'addition de tous ces facteurs qui me plongeait dans des crises d’angoisse. À cette époque, ce n'était pas encore nommé. J'avais juste l'impression de virer fou sporadiquement.
Je demeurais pourtant assez confiant que les kilomètres et l’aventure m’apporteraient ce que je cherchais depuis longtemps déjà.
Au printemps 1990, j'étais enfin prêt! Je suis parti avec un sac à dos, une guitare, une couple de 100 piasses et un ‘Let’s Go Europe’. Après avoir mis le cap sur l’Angleterre, je l'ai mis sur New York City et ensuite sur New Orleans.
On m’avait parlé du Jazz & Heritage Fest de New Orleans et ça m'interpellait. J'avais l'impression que j'allais y trouvé une pièce de mon puzzle intérieur. La Nouvelle-Orléan, c’est le berceau musical de toute l’Amérique. Non seulement du Jazz, mais aussi, selon ma théorie personnelle, d’à peu près tous les genres musicaux du dernier siècle.
Je me souviens encore du sentiment si intense à mon arrivée! J'avais eu l'impression d'avoir voyagé dans le temps. En posant les pieds sur cette terre je me sentais comme si j'étais débarqué dans une autre époque. Tout était si différent. C’était surréel. Je me sentais vraiment loin de chez moi et c'était exactement ce dont j'avais besoin.
Rapidement, le dépaysement s'est amplifié. Je me souviens de ma première ride d'autobus après être descendu de l'avion. J'étais le seul blanc à bord. Je me souviens encore de la scène où un homme mystérieux s’était approché de moi, en me pointant tel un vieux sorcier. Il avait scandé en pleine autobus : ‘’ Go back to the Devil white man’’! Wow! Là, j’avais eu un peu peur autant qu'étrangement, je tripais. Je n'étais définitivement plus à Cap-Rouge! Je me souviens aussi qu’une gentille dame plus âgée (mais plus autoritaire) avait pris ma défense immédiatement devant tous les usagers et lui criant : ‘’ You sit back down right now and leave this young man alone!!’’ Sa voix devait lui rappeler celle de sa mère puisqu'il s'était aussitôt calmé. Merci encore chère Madame!
J'étais descendu au stop le plus près du ‘French Quarter’. Le légendaire quartier reconnu pour sa richesse en culture musicale. C'était là que ça se passait. C'est à ce moment que j'avais rencontré un autre jeune homme de mon âge, pas du coin lui non plus. En me voyant avec mon étui de guitare à la main, il savait qu'on avait probablement des points en commun. Il m'avait demandé pourquoi j'étais là et je lui avais répondu : ‘’I came to learn the Blues’’. C'était un musicien lui aussi. On a fait un bon petit bout ensemble.
J'ai passé plusieurs semaines à la Nouvelle-Orléan où j'ai vécu de grandes révélations. C'est d'ailleurs là, que pour la première fois de ma vie, j'ai joué dans la rue. Je me souviens d'un chaud après-midi au coeur du Quartier français, sûrement inspiré de quelques gorgées de ‘Hurricane’, le drink local, que j'ai ‘bendé’, par accident, ma première "blue note", à la guitare.
J’ai eu l’inimaginable occasion de voir jouer Stevie Ray Vaughan et Bo Diddley, Buddy Guy, Brian Lee et J.J.Cale et une myriades d’autres musiciens légendaires lors du Jazzfest. J'ai eu l'occasion de m'imprégner du son d'incroyables musiciens locaux dans les clubs de New Orleans.
Cette expérience m'a effectivement permis de trouver des pièces de puzzle importantes qui font parti de moi. J'ai toujours rêvé d’y jouer. De sentir que je fais parti de cet univers musical qui est pour moi un point de repère et un phare qui m'a aidé à tenir le cap durant toute ma vie. C'est surréel de voir ce rêve se réaliser. Plus j'y pense et plus je me dis que cet évènement est d’une quasi aussi grande importance, pour moi, que d’avoir joué en première partie des Stones.
D'hier à aujourd'hui
Comme vous le savez probablement, j’avais commencé à présenter un spectacle dans une formule ‘one man band’ depuis quelques années, le SEB'S MUSIC SHOP. Un spectacle dans lequel je jouais les plus grands classiques authentiques du répertoire blues. Lorsque j'ai rencontré Jess et qu'elle s’est joint à moi, c'est devenu SEB & JESS "Rock N Blues et on dirait que tout s’est placé. C'est devenu un vrai spectacle.
À deux, on élargi le répertoire et ca nous permet d'aller chercher des pièces de Irma Thomas, Etta James et Nina Simone entre autres, qu'elle livre avec autant d'ardeur que ces grandes dames. La dynamique de notre spectacle est aussi un point fort du show. On se taquine avec les propos de ces chansons classiques qui sont justment souvent des histoires entre homme et femme. On se divise aussi les textes, ce qui fait que l'auditoire a droit au point de vue de la femme depuis les propos de textes qui en grande majorité étaient écrits presque exclusivement par des hommes à cette époque. Une magnifique 'twist' que nous exécutons ensemble. Jess est peut-être plus jeune que moi mais elle possède ce 'it factor' et aussi la profondeur d'âme requise pour s'attaquer à ces oeuvres. La drive est sans équivoque au rendez-vous dans les versions live, ce qui nous place en tant qu'artistes et interprètes, en parfaite symbiose. Elle possède l'intensité nécessaire pour livrer ce catalogue musical, le plus surprenant et mystifiant étant bien sûr qu'elle ne l'a que peu connu. Ca lui colle tout simplement à la peau. Elle s'avère être une chanteuse Blues à la grande surprise de tous, sauf du mari de sa mère qui lui l'aurait toujours su!
SEB & JESS au House of Blues de New Orleans
Le Jazzfest 2024 est à nos portes, presque 35 ans après mon premier passage là-bas, et se déroulera dans quelques semaines à nouveau au coeur de la ville que les gens ont surnommée au fil du temps ‘The Big Easy’ et nous serons incroyablement de la partie.
Le House of Blues de New Orleans présentera en effet notre spectacle ‘SEB & JESS Rock N Blues’ dans le Voodoo Garden le 3 Mai prochain, en plein cœur du Festival. Je me pince encore au moment d’écrire ces quelques lignes.
Et vous savez quoi?
Les Rolling Stones y jouent la veille!
Pour encore plus d’histoires et de témoigages, suivez-nous du 1er au 4 Mai prochain en plein cœur de la Louisiane sur nos différents réseaux sociaux.
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